C’est mon choix : ailleurs, nulle part

Présenté comme un téléfilm, Où sont nos disparus? N’en est pas vraiment un puisqu’il a été projeté, et parfois primé, dans plusieurs festivals de cinéma internationaux {dont, récemment, le festival d’Annonay, en Ardèche, sous le beau titre Le Pays de nulle part}.
Il est d’ailleurs fréquent que ces longs métrages, à défaut d’une sortie en salles en France, soient diffusés sur Arte – ce qui, somme toute, leur assure un public plus important que s’ils étaient passés l’été sur deux écrans au Quartier latin. On est en tout cas ici en présence d’une véritable œuvre de cinéma, aux personnages complexes et à la narration assez éloignée des impératifs d’efficacité de l’écriture télévisuelle. Veysel, le fils unique de Sükran, une belle femme de 40 ans, guichetière à la gare centrale d’Istanbul, disparaît mystérieusement. Quelques années plus tôt, son mari avait déjà payé de sa vie son engagement politique. Même si cela n’est que sous-entendu, on comprend que tous deux militaient dans un parti kurde. Refusant de se résigner, Sükran se lance dans une difficile et périlleuse enquête qui la mène à Mardin, ville du Kurdistan turc proche des frontières syrienne et irakienne. Dans cet univers trouble – et fortement patriarcal-, où toute information est sujette à caution, où rien n’est jamais ce que l’on croit, elle va peu à peu perdre pied.
Inspiré de faits réels, et situé dans une zone particulièrement sensible en ce moment, le film commence comme un thriller politique seventies, façon Rosi, mais abandonne vite la simple dénonciation pour glisser dans une atmosphère d’irréalité et de menace latente. On est alors plus proche de Profession reporter d’Antonioni ou de Sous le sable d’Ozon, en plus engagé quand même. Ou de La Stratégie de l’araignée de Bertolucci, dans la manière de transformer son décor en espace mental. Le cinéma turc, en sommeil ces dernières années, pourrait bien tenir un futur grand cinéaste en la personne de Tayfun Pirselimoglu – un nom qu’on fera l’effort de retenir.

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