Papa la pagaille

Quand on était môme, il était fatalement le héros: notre seule figurine Panini que les filles s’arrachaient, plus encore que celle de Rocheteau. Laurent paganelli avait notre âge, mais lui jouait à Geoffroy-Guichard quand on s’escrimait SUI des terrains en ciment. Il était ce plus grand espoir du football français que nous n’étions que dans nos rêves éveillés. On aurait payé cher pour marcher dans ses Adidas. Canal+, formidable centre de réinsertion sociale pour nos fixations ados, avait déjà massivement reconverti du côté de la rock-critic: Chalumeau.

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De Caunes, Manœuvre… De Domenech à Garde, d’anciens footballeurs sont également dignement passés de l’autre côté du micro. Mais le plus touchant demeure Paganelli, qui ne s’est jamais vraiment éloigné des terrains: il commente désormais depuis la touche, alpague les joueurs et les entraîneurs pour des interviews souvent surréalistes et turbulentes. Car si sa langue demeure chantante et malicieuse, elle ignore le bois: complice et solidaire du football, il repère tout, se place au niveau de la pelouse quand tant d’autres se contentent du niveau des pâquerettes. Alors que la plupart des commentateurs toisent les joueurs et leur linguistique récalcitrante de haut, Paganelli se situe toujours à hauteur d’homme, aide les mots à venir, les idées à se former. Là où d’autres se gargarisent d’expressions toutes faites, comme « lire le jeu », lui lit les joueurs: il envisage dans une grimace fugace une douleur fatale des adducteurs, sent l’impuissance morale dans un contrôle manqué. Ainsi, dans les vestiaires, il n’est jamais l’intrus: juste un copain qui visite et à qui on se confie. Avec son look improbable de chanteur de variété des années Maritie et Gilbert Carpentier, avec une générosité et une autodérision trop rares dans ce monde restreint, il ramène les footballeurs – et nous-mêmes- à l’innocence de l’enfance: castré de ses enjeux, le football redevient chez lui un jeu.

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